Interview : MAZAL

 

Ce mois-ci, dans Shalva Magazine, nous avons rencontré Mazal Amsellem, chanteuse à la voix douce et à la foi inébranlable, dont les concerts sont exclusivement réservés aux femmes.

Pour elle, chanter n’est pas un métier, mais une mission. Une avodat Hachem.

Depuis son plus jeune âge, cette artiste franco-israélienne fait de la musique un outil de transformation intérieure, un langage d’émotion, de spiritualité et d’élévation.

Dans cet entretien intime, Mazal nous livre avec authenticité son parcours bouleversant, où chaque note est une prière, et chaque chanson, un message.

Peux-tu nous raconter un petit peu ton parcours ? Comment as-tu découvert ta passion pour la musique ?

 Je suis née en Israël, de parents israéliens. Quand j’avais 6 ans, mon père qui avait fait l’armée et était militaire de carrière à vécu deux guerres qui l’ont frgilisé..A un moment mes parents ont décidé que nous irions vivre en France car  ma mère y avait de la famille. L’arrivée en France a été très difficile, ce fut un véritable déracinement.

 Derrière notre maison, il y avait une petite forêt, et j’y allais très souvent pour parler avec Hachem. Chaque fois que je m’isolais là-bas et que je chantais, je réalisais que cela me faisait du bien.

Avant, mes parents nous envoyaient à l’école le samedi. Un jour, en route, j’ai vu un papa avec une kippa et une petite fille en belle robe. J’ai été attirée par ce lien, et je les ai suivis jusqu’à la synagogue. Je suis restée dans la ezrat nashim.

Chaque semaine, je cachais mon cartable et j’allais à la synagogue. C’est comme ça que j’ai appris les tefilot et que je me suis rapprochée du chant. J’adorais aller à la synagogue.

Mes premiers chants, c’étaient les paroles de la tefila de Shabbat, et j’aimais les écouter à la shoule et les chanter.

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Qu’est-ce qui t’a poussée à te lancer dans la chanson et la musique en tant que femme ?

 En arrivant en France, j’ai toujours gardé l’espoir de retourner en Israël. Pour nous, c’était notre paradis perdu. Après mon bac, je devais faire l’armée et intégrer la chorale de Tsahal. Mais Hachem en a décidé autrement.

Lors d’un Shabbat plein organisé par l’Agence juive, j’étais animatrice avec les enfants, et le Rav Eli Kling était présent. Après le bac, je me suis donc retrouvée à Hemdat Hadarom, à Netivot, pendant environ 4 mois.

J’avais soif d’apprendre et sentais que j’avais besoin de plus. Je suis rentrée chez mes parents à Ashkelon… J’étais perdue, j’avais 18 ans, et je priais Hachem de m’aider.

Un soir, alors que j’étais dans la rue,en bas de chez mes parents, un Rav m’aborde et me dit : « Viens, le chiour est là. » Je lui ai répondu que je ne cherchais pas le chiour. Il s’est excusé, disant que sa femme venait de l’appeler car une jeune fille était dehors et ne trouvait pas le chiour.

Puis il a ajouté : « Si déjà tu es là, viens. » J’y suis allée, et sa femme m’a accueillie comme sa propre fille.

À la fin du chiour, nous avons discuté, et je me suis retrouvée embarquée pour un Shabbat plein organisé par Arakhim à Netanya.

Après ce Shabbat, j’ai décidé de rejoindre un séminaire à Jérusalem avec uniquement des Israéliennes. J’étais toujours un peu perdue dans ma vie privée et je priais Hachem qu’Il m’aide et me guide.

Après quelques péripéties, je suis arrivée chez Rav Ovadia Yossef. Sa belle-fille m’a reçue et écoutée, puis le Rav m’a fait une braha.

J’ai aussi  rencontré le Rav Itshak Attali qui m’a pis son aile à mes dix-huit ans comme un vrai père. Grâce à lui j’ai Barouh Hashem

intégré le Séminaire «La Source» de Jerusalem pendant un peu plus d’un an.

Le fait d’avoir rencontré Rav Attali et d’avoir été si proche de la maison de Rav Ovadia Yossef m’a donné un amour de la Torah pour la vie !!!

 

Ce séminaire était pour moi comme une famille où j’ai appris toutes les bases d’une femme juive. En un an j’ai pu rattraper dix-huit années sans école juive.

Comme je n’avais pas besoin d’oulpan, les après-midi, je chantais et composais des chansons racontant mon histoire. A ce moment là, comme j’avais fait techouva, j’avais accepter l’idée de ne plus pouvoir chanter. Et c’est là que j’ai vraiment réussi…

À Pourim, ils ont organisé un grand spectacle. On m’a proposé d’écrire des chansons et de chanter celles que j’avais déjà. On ne me voyait pas sur scène, j’étais « la voix » du spectacle.

Les semaines suivantes, beaucoup de femmes ont contacté la direction pour demander une cassette des chansons du spectacle…

 C’est alors que Rav Yehia Amoyelle (z’’l) m’a contactée et m’a dit : « Écoute, même en France on a entendu parler de ce spectacle et de tes chansons. Renseignes toi et dis moi combien ça couterait d’enregistrer un album… »

Je devais tout faire rapidement : studio, graphisme, enregistrement… avant la fin de l’année. On était déjà en juin… et b’H, c’est comme ça que mon premier album est sorti…

Comment concilies tu ton art avec les exigences de la halakha, notamment les lois comme kol isha, la tsniout… ?

 Avant le spectacle de Pourim, je pensais que je ne pourrais pas chanter, que c’était un problème halakhique.

Quand on m’a demandé de participer, j’ai dit : « Je ne peux pas… je suis une femme… »

La rabbanite m’a répondu : « Devant des femmes, il n’y a pas de problème. » et c’est là que tout s’est ouvert.

Pour tout le reste, je pose des questions aux rabbanim et j’ai confiance en leur daat.

 As-tu rencontré des défis particuliers en débutant dans le monde musical religieux ?

 J’ai eu la chance d’être proche du Rav Ovadia.Yossef. Il a marqué ma techouva. Je lui posais mes questions. Avant de sortir mon premier album, il m’a dit de ne pas mettre ma photo ni mon nom dessus.

 Est-ce que tu considères ton chant comme une forme d’avodat Hachem ?

 Oui, complètement. Je vois le pouvoir de la musique lors de chaque soirée. Je ne suis pas une chanteuse : je transmets un message avec le keli que Hachem m’a donné — ma voix.

 Comment ton engagement spirituel influence-t-il les paroles de tes chansons et ton style musical ?

 C’est un mélange de deux univers : variété française et musique israélienne.

J’ai ces deux cultures : un père israélien, et une enfance en France puis en Israël.

Les mélodies que j’aime, je les habille de paroles de kedoucha pour transformer le ‘hol en kodesh.

Certaines chansons sont très mizrahi, d’autres très hassidiques.

Comment ton entourage – en particulier ta famille – perçoit-il ton engagement artistique ?

 Mes enfants ont grandi avec ça, donc ils sont habitués.

Mon mari est émerveillé de voir ce que la musique peut apporter aux femmes.

Il est toujours en coulisses avec moi, et à chaque fois, il est époustouflé.

 Comment trouves-tu l’équilibre entre ta vie de chanteuse, ta vie de famille et ta vie de femme ?

 Alors là… il faut être très organisée ! Il n’y a pas le choix. Mais après, c’est Hachem qui gère. J’avais des tournées en France après le corona. Ma dernière soirée était à Strasbourg, et il fallait un test PCR pour voyager.

J’étais dans le train vers Charles de Gaulle pour rentrer en Israël, quand j’ai reçu mes résultats… POSITIF.

 Je me suis retrouvée coincée en France à deux jours de Yom Kippour, alors que mon mari et mes enfants étaient en Israël…

Mais je partage beaucoup avec eux et lors des concerts, mon mari s’occupe du son, et parfois mes filles viennent aussi avec moi…

Raconte-nous comment s’est passé ton premier concert.

 J’étais en France après le séminaire, et on m’a contactée pour organiser un concert pour femmes. C’était une semaine avant mon mariage.

Je suis arrivée à la salle en toute simplicité — je n’avais jamais fait de concert.

Et là, je vois plusieurs cars remplis de jeunes filles arriver !

J’ai dit à l’organisatrice : « C’est quoi ? »

C’est là que j’ai compris qu’elles venaient pour le concert, et qu’elles avaient toutes mon CD !

À ce moment-là, j’ai compris qu’en chantant, on pouvait faire du bien. Et j’ai su que je voulais faire ça toute ma vie

Quel est ton public aujourd’hui et quel message cherches-tu à transmettre à travers tes chansons ?

 En France, on me connaissait. En Israël, c’est plus difficile.

Je ne veux pas entrer dans une logique de «chanteuse star».  Je veux rester moi-même : simple et proche des gens. La seule star, c’est Hachem.

J’avais un concert prévu à Jérusalem il y a quelques jours, mais il a été reporté à cause de la guerre. Il était prévu que le message affiché derrière moi soit :

« Ce soir, Hachem, la star, c’est Toi. »

Je commence souvent mes concerts avec Mizmor Letoda.

As-tu un message particulier à faire passer à nos lectrices ?

 Chacune de nous a reçu des kelims pour VeAhavta et Hashem Elokecha b’chol levavecha ouv’chol me’odecha.

Me’odecha, c’est aimer son Créateur avec les kelims qu’Hashem nous a donnés.

Si l’on cherche en nous, chacune peut aimer Hashem b’chol me’odecha, en utilisant les dons qu’Hashem nous a donnés. On accomplit ainsi ce verset.

Hashem m’a donné un kéli : c’est ma voix, et je veux l’utiliser pour me rapprocher d’Hashem,

et éveiller en chacune l’ahavat Hashem.

C’est très important pour moi de dire que mes chants sont des louanges, des prières à Hashem.

Je Le remercie de me donner ce cadeau : pouvoir exprimer tant de sentiments en chantant.

Chanter, c’est se libérer.

C’est libérer des émotions.

C’est se connecter à son étincelle divine.

Peu importe si l’on a une belle voix : les portes d’une prière chantée seront toujours ouvertes.